C’est quoi le ZAN? 3 questions à Johanne Vallée, cheffe de projet SCoT Tarentaise Vanoise

1. Peux-tu nous rappeler le contexte du ZAN et son objectif ? 

Depuis 20 ans (certains diront 40 en référence à la Loi Montagne de 1985), on constate en France la prise en compte croissante d'une gestion économe de l'espace avec, notamment, la mise en application de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) votée en 2000,  visant à densifier de manière raisonnée les espaces déjà urbanisés pour éviter l'étalement urbain. En 2011 déjà, la Commission Européenne recommandait aux états membres de stopper l'augmentation nette des terres occupées par l'urbanisation à l'horizon 2050, mesure déclinée en France en 2018, dans le plan biodiversité. C’est la loi Climat et Résilience d'août 2021 issue des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat qui instaure l'objectif de zéro artificialisation nette (ou ZAN) à 2050 à l'échelle nationale. 

Ce qui change aujourd'hui, par rapport aux précédentes mesures, c'est le fait d'avoir un objectif chiffré, une trajectoire effective à mettre en œuvre et une finalité d'ici à 2050, pour tous. En 2050, plus de terres artificialisées. 

On va devoir faire autrement, se développer autrement, c'est un changement de paradigme d'ici à 2050

La première étape fixée par la loi, avant 2050, est une baisse de la consommation d'espaces naturels, forestiers et agricoles de 50% d'ici à 2031 par rapport à la décennie 2011-2021. Nous sommes donc déjà en chemin. Cette notion de trajectoire est également importante. Ce changement nous allons devoir le faire petit à petit en 30 ans... et il faut commencer dès maintenant ! Un chercheur du GIEC a utilisé une image que j'aime bien. L’objectif : perdre 10 kg d'ici 10 ans. Dans la réalisation, ce n'est pas la même chose de perdre 1 kg tous les ans que de perdre 10 kg la dernière année.

Plus concrètement, le ZAN, c'est un calcul. On calcule combien on consomme d'espaces naturels et combien on rend à la nature. A la fin, la somme des + et des - doit être égale à zéro. Concernant l’artificialisation, c'est une vision du sol en 3D. L'aménagement du territoire devient un système (un écosystème), ce n'est plus une gestion de couches à plat (verte, bleue, noire etc.) mais une vision en 3D où toutes les fonctions écologiques d'un sol sont représentées en volume (habitat pour la biodiversité, capacité de dépollution de l’eau, réservoir de carbone, …). Travailler sur le ZAN, c'est commencer par reconnaître que nous vivons au sein d’écosystèmes.  

 

2. Quels grands enjeux cette mesure fait-elle émerger ? 

Réussir le ZAN, cela questionne notre manière de faire, notre pratique de l'aménagement et notre relation au vivre ensemble, à nos besoins. Jusqu’ici, en gros c’était : "j'ai un besoin (loger mes habitants, accueillir des visiteurs, leur permettre de se déplacer, de se soigner…), j'ouvre une zone à l'urbanisation et je gagne du terrain sur une terre agricole pour y répondre". Ça c'est fini et ce n'est pas facile d'imaginer autre chose. 

Pour cela, on peut commencer par répondre au quoi : quels sont réellement nos besoins ? Est-ce que, avec la connaissance que nous avons, ce que nous faisons aujourd'hui y répond ? 

Puis au comment. Comment pouvons-nous y répondre dans l'espace urbanisé existant, en limitant notre impact sur les ressources ? Comment faire pour adapter les constructions existantes ? Comment vivons-nous avec les autres ? Est-ce que ce que nous allons construire ici est nécessaire ? Est-ce ce que nous voulons pour longtemps ? 

Qu'est-ce que je veux être dans 10, 20, 30 ans ? Ce que fait tout ado aujourd'hui devant parcours sup, nous on le fait à l'échelle sociétale devant le ZAN. Pourquoi n'y arriverions nous pas ? 

Aussi, réussir le ZAN, c'est prendre du recul par rapport à l'injonction de compter : combien de m² artificialisés, combien d'autres sont renaturés, …. Ce qui est important ce n'est pas le chiffre (même s'il permet à un moment de mieux connaître et de savoir où l'on en est), ce qui est important c'est de réfléchir au projet politique du territoire, au sens de nos actions en prenant en compte les contraintes liées au changement climatique et la disponibilité limitée des ressources naturelles dont nous dépendons On doit donc de toute évidence faire preuve de sobriété et changer nos modèles de consommation. 

 

3. Et dans notre quotidien, comment cela peut-il se traduire ? 

En tant que citoyens, cela interroge notre vivre ensemble

Sommes-nous prêts à partager notre jardin, nous rapprocher de nos voisins, vivre dans un espace plus petit ? Offrir des heures de jardinage aux plus anciens en échange de quelques légumes ? Trouver un jardin familial en ville ? Dois-je posséder une grande maison avec piscine pour réussir ma vie ? Vivrais-je mieux dans 150m2 à 4 plutôt que dans 80 ? Cela dépend certainement de mes représentations et de ma condition sociale. Et pourtant, moins de contraintes d'entretien, moins de consommations d'eau et d'énergie peuvent aussi être des options désirables. Dans ce contexte, les collectivités ont un rôle important à jouer : favoriser l'émergence de nouveaux habitats pour vivre bien avec moins d'espace.

Dois-je posséder une grande maison avec piscine pour réussir ma vie ? Vivrais-je mieux dans 150m2 à 4 plutôt que dans 80 ?

Et pour la montagne touristique qu'en est-il ? Cette énième résidence de tourisme est-elle nécessaire ? Répond-elle à nos besoins futurs compte tenu des connaissances acquises des systèmes stations, du changement climatique, de la création de lits froids et de leurs impacts sur l'économie ? Nous devons repenser l'usage de nos enveloppes foncières et ce en fonction des besoins de la vie réelle : logements saisonniers et permanents, nouveaux équipements ou services à destination du quotidien des habitants (mobilité, santé, éducation, ...). 

 

Le ZAN finalement provoque une nécessaire réflexion, lorsqu'elle n'était pas déjà  engagée avec le changement climatique. Puisque nous avons 30 ans pour construire cette trajectoire, c'est une formidable opportunité pour réfléchir à cette vie future que nous voulons dans laquelle nous pourrions vivre aussi bien qu'aujourd'hui... mais différemment.

 

 

Propos recueillis par Anne Gallienne