Biodiversité : COPs, état des lieux et enjeux globaux

 

En matière de prise en compte des enjeux de biodiversité à l’échelle internationale, on peut dire qu’on a 9 COPs et 5 rapports scientifiques intergouvernementaux de retard…La crise climatique et la crise de la biodiversité sont cependant intrinsèquement liées, et s'influencent mutuellement. Décryptage sur les COPs, les principaux enseignements sur les facteurs directs de menace sur la biodiversité, dont les impacts du changement climatique, et ce que cela veut dire pour la montagne.

 

Les COPs, ou Conférences des Parties, sont surtout connues pour être les événements permettant l’application et le suivi de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cependant, lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, deux autres conventions ont également été signées : la convention sur la diversité biologique (CDB), et la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD). Comme pour le climat, ces deux conventions organisent des COPs, mais sur un rythme bi-annuel, dans le but de coordonner l’action des États pour l’atteinte de leurs objectifs.

La convention sur la biodiversité biologique a pour objectifs explicites à la fois la conservation de la biodiversité et son exploitation durable. 

Par rapport à la crise climatique, la crise de la biodiversité souffre de plusieurs biais qui la rendent plus difficile à appréhender : les quantifications sont moins nombreuses, moins précises et moins robustes, tandis que les impacts sont plus difficilement perceptibles et graduels, alors que leurs conséquences sont tout aussi importantes. La convention a permis la mise en place d’objectifs quantifiés de réduction des pressions sur la biodiversité, généralement exprimés en pourcentages de surfaces protégées. Les "objectifs d’Aichi", du nom de la ville où ils ont été adoptés, couvraient la période 2011-2020. Aucun d’entre eux n’a malheureusement été atteint. Pourtant, la situation est grave : la "limite planétaire" pour la diversité biologique, mesurée via le rythme d’extinction des espèces, est considérée comme étant dépassée

 

Un peu plus tardivement que pour le changement climatique, un groupe d’experts internationaux a été mis en place pour évaluer la littérature scientifique sur la crise de la biodiversité et fournir aux décideurs les informations nécessaires. Établi sur le modèle du GIEC, l’IPBES a été créé en 2012, et a rendu son premier rapport d’évaluation sur la biodiversité et les services écosystémiques en 2019 (seulement !). Il confirme ce qui était pressenti : plus d’un million d’espèces seraient d’ores et déjà menacées d’extinction, et encore plus à l’avenir, si des mesures - induisant un changement en profondeur des sociétés - ne sont pas mises en place pour limiter les facteurs causant la perte de biodiversité. 

 

Au niveau global, l’IPBES identifie cinq facteurs directs de menace sur la biodiversité, classés par ordre décroissant : "la modification de l’utilisation des terres et des mers, l’exploitation directe des organismes, les changements climatiques, la pollution et les espèces exotiques envahissantes". 

 

L’ordre d’importance de ces facteurs peut varier en fonction des méthodologies de quantification des impacts et espèces menacées, ou des régions et écosystèmes étudiés. In fine, tous sont importants.

 Cependant, le changement climatique, en modifiant la niche climatique des espèces, risque de devenir un facteur de plus en plus important de la crise de la biodiversité. Pour beaucoup d’espèces, les conditions climatiques qui leur permettent de se développer vont évoluer plus rapidement que leurs capacités d’adaptation ou de migration. Le récent rapport de synthèse du GIEC montre les pourcentages d’espèces exposées à des conditions dangereuses en fonction de différents niveaux d’élévation de température : 




Projected risks and impacts of climate change on natural species - IPCC
Figure SPM.3: Projected risks and impacts of climate change on natural and human systems at different global warming levels (GWLs) relative to 1850-1900 levels. Source IPCC

 

 

La crise climatique et la crise de la biodiversité sont donc intrinsèquement liées, et s'influencent mutuellement : des écosystèmes protégés et fonctionnels permettent de capturer du carbone.

 

De plus, les causes sociétales sont à peu près les mêmes. Il reste à vérifier que les mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique n’induisent pas d’impacts sur la biodiversité. 

En décembre 2022, la COP15 de la biodiversité, à Montréal, avait pour objectif de mettre en place l’accord qui prendrait la suite des objectifs d’Aichi, pour la décennie en cours. Les pays sont parvenus à s’entendre, avec la signature de l’accord de Kunming-Montréal. Bien qu’il possède certains angles morts, le texte propose des objectifs ambitieux de protection de la biodiversité : un tiers d’aires protégées d’ici à 2030, restauration de 30% des terres dégradées par l’humanité, réduction de l’usage des pesticides, ou encore mise en place d’aides financières pour les pays en développement.


Ce que l’on observe en montagne est une illustration de ces enjeux immenses. 

La biodiversité y subit des pressions directes et indirectes liées aux activités humaines. Le changement climatique va perturber les cycles phénologiques et provoquer une remontée en altitude de la faune et de la flore, comme le montre bien la figure suivante, provenant du rapport sur les changements dans le Mont-Blanc

Schéma des changements de la biodiversité sur les gradients d'altitude de l'EMB



Les espèces endémiques voient ainsi arriver des espèces provenant des plaines, dont des espèces invasives. L’évolution climatique les pousse à monter en altitude et, plus on s’élève, moins il y a de place, ce qui pourra mener à la disparition de certaines espèces, notamment les plus spécialistes. Les pressions sont multiples : une part non négligeable des zones de montagne est artificialisée et imperméabilisée, avec une évolution qui ne va pas dans la bonne direction, continuant de grignoter des surfaces forestières et agricoles. 

 Limiter ces pressions passera en priorité par une limitation de l’artificialisation des sols, et la préservation des habitats, existants et en cours de création, tels que les marges glaciaires. 30% de la surface des territoires de montagne est aujourd’hui protégée. C’est le seuil moyen défini par l’accord de Kunming-Montréal, donc un minimum. Les montagnes sont et seront encore plus à l’avenir un “hotspot” de biodiversité, c’est une des sources principales de leur attractivité. Aller au-delà de ce seuil semble donc une nécessité.

 

Loïc Giaccone